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Carnet de critiques et billets divers d'une cinéphile active mais peu réactive... Ecriture intermittente garantie.

Deux Jours, une nuit et quelques minutes de plus...

La publication de l'article consacré à Deux Jours, une nuit a suscité des commentaires qui n'ont pas été publiés sur le blog. Chers lecteurs, puisque vous n'avez pas nécessairement accès à ces points de vue intéressants qui peuvent donner un autre éclairage sur le film, je reproduis ici les conversations qui ont eu lieu en une sorte de "table ronde fictive".

Cet article inaugure une nouvelle catégorie d'articles nommée "Réplique(s)".

 

Conversation I :

 

L.B. : Ce que l'article dit du personnage est juste, j'y vois pourtant au contraire toute la grandeur et l'intelligence du film. La fin n'est pas un happy end justement. C'est pire. Sandra n'y arrivera pas, c'est sûr. En revanche, elle a réussi à dire non.

 

C.P.:  On peut aussi trouver qu'un simple "non" est trop peu après ce qu'elle a enduré (et nous avec). Lorsque les Dardenne confrontent leurs personnages de combattants ultra-déterminés à toutes les injustices sociales, ça fonctionne. Mais là, c'est trop. Elle est trop fragile, trop inerte et trop grossièrement caractérisée (maman dépressive, bonne poire au travail). Il aurait fallu qu'elle dise non et qu'elle retourne le bureau de Dumont ou qu'elle soit effectivement licenciée. Il y a une sorte de compromis mou dans la fin qui ne me plaît pas.
 
L.B.: Pour moi, Sandra n'est absolument pas combattive, je suis d'accord, mais c'est là le projet du film: suivre quelqu'un qui a perdu d'avance. C'est pour ça qu'on n'est assez peu ému par le personnage. Sa dépression ne nous touche pas, voire nous gonfle. Le spectateur est donc dans la même situation que les autres employés manipulés par le directeur: comment vouloir donner une seconde chance à quelqu'un qui ne venait déjà pas travailler... Sa volonté de trouver un nouveau travail est un leurre, un simple sursaut. Demain, elle aura déjà baissé les bras. Risqué de portraiturer un tel personnage et de mettre le vrai "pousseur" en second plan. C'est ce que j'ai aimé et je l'ai compris comme tel.
 
C.P.: Nous partons donc du même constat. Mais la différence tient à l'émotion. Il y a eu des spectateurs réellement émus. Je peux citer un extrait de l'article d'Isabelle Regnier dans Le Monde: "Mardi 20 mai, la projection a fait trembler les spectateurs les plus assommés, leur arrachant des larmes pleines de rage et de compassion." Cela signifie tout de même que ce risque n'est pas du tout maîtrisé, que quelque chose est raté.
Deux Jours, une nuit et quelques minutes de plus...

Conversation II:

 

J.D.: Il convient de préciser que le combat que Manu fait mener à Sandra n'est pas tant contre l'injustice sociale (perdu d'avance en fait et c'est peut-être ce qui est le plus déprimant du film) mais contre sa dépression et elle-même. Pour moi, la scène clé est la tentative de suicide que je trouvais à première vue caricaturale, mais qui renvoie à son vrai combat. J'ai été davantage gêné par la relation avec les enfants...

 

C.P.: La reprise du combat juste après la tentative de suicide reste pour moi problématique car je ne peux m'empêcher d'y voir une réaction liée à la culpabilité.

 

J.D.: Je pense plutôt qu'elle est à ce moment motivée par l'espoir... La culpabilité vient après, quand elle propose à sa collègue de l'acceuillir, mais l'espoir prime. Il y a à ce moment une forme de sursaut de vie qui transparait dans la façon dont elle le joue, notamment avec la phrase "j'ai avalé toute une boîte de Xanax" qui sort d'un coup, comme le souffle du noyé qui reprend vie...

 

C.P.: Pourtant, elle ne semble pas sortie de la dépression à la fin... et le mari?

 

J.D.: Le problème c'est elle, sa dépression qui dure depuis longtemps, ce qui explique la façon dont il la bouscule. C'est dur, mais je pense qu'il la pousse à aller au delà de son "mode de défense habituel" (repli, cachets, suicide etc...) et, au final, même si on peut ne pas être d'accord avec ça dans la caractérisation du personnage, elle atteint quand même une partie de ce qu'elle voulait, cette forme de légèreté qu'elle enviait à l'oiseau ("je voudrais être comme lui là haut") dans une scène où le mari est bien montré comme un soutien pour sa femme qui agit pour elle, et non contre elle.

Deux Jours, une nuit et quelques minutes de plus...

Conversation III:

 

L.B.: A propos de l'émotion, je pense que celle-ci vient des autres salariés (la scène avec l'entraîneur de foot, très belle) pas du personnage principal! Et les autres salariés, c'est nous justement! D'où l'émotion.

 

C.P.:Tu as été ému par ces pleurs instantanés?

 

L.B.: Oui. D'ailleurs dans la scène du terrain de foot, on ne voit pas Marion Cotillard, le plan reste sur le personnage du coach.

 

C.P.: Mais il y a aussi le gros le plan sur les mains...

 

L.B.: J'ai été ému parce que je ne m'y attendais pas. Ça paraît faux mais c'est parce que l'humanité du personnage est complètement inattendue. Il est certain que si on s'attaque à tous ces détails, absolument rien n'est crédible: le propos du chantage est impensable et impossible, et aucun salarié n'est crédible (la femme qui quitte son mari, la rixe entre le père et le fils).

 

J.D.: Je rejoins L.B. sur les personnages secondaires qui, si on accepte le postulat de départ de la situation non crédible, sont tous, sous un angle (et une mise en scène différente), source d'espoir...

 

C.P.: Mais le postulat de départ c'est aussi la tarte qui sort du four, le réalisme précis (les gestes du quotidien) qui s’accommode mal du dessin grossier et peu crédible des personnages, non?

 

L. B.: Et Bird People, on en parle?

 

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J
belle nouvelle idée ces Réplique(s)!
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